Des anciens salariés contestent le gigantesque plan de départs volontaires mis en œuvre en 2016 par l’opérateur téléphonique. Première étape du marathon judiciaire à Nice ce jeudi 5 septembre.
C’est la première plaidoirie d’une longue série pour Me Romain Geoffroy. L’avocat foulera l’enceinte du conseil des Prud’hommes de Nice, ce jeudi 5 septembre, pour défendre la cause d’un ancien salarié SFR qui conteste les conditions de son départ de l’entreprise. Comme lui, près de 400 anciens collaborateurs de l’opérateur téléphonique ont saisi l’instance prudhomale suite à l’immense Plan de Départs Volontaires (PDV) débuté en 2016. «SFR a mis en place de manière frauduleuse un plan massif de décrutements, fustige le fondateur du cabinet d’avocat Ora. En pleine période de GPEC, ses dirigeants ont organisé un plan de départs volontaires, mettant en avant un motif économique et la sauvegarde de la compétitivité alors qu’en réalité, selon les pièces du dossier, l’objectif était surtout de devenir leader européen sur la fibre et la 4G et de reprendre 3,6% de parts de marché sur ses concurrents. Et dégager ainsi 1,5Md€ de cash flow.”
“SFR fait payer aux salariés ses mauvais choix stratégiques “
En 2016, environ 5.000 salariés -soit un tiers des effectifs- avaient été concernés par le «New Deal», un plan de départs volontaires réparti sur les seize sociétés du pole telecom de l’opérateur au carré rouge. «Suite au rachat par Altice en 2014 et malgré l’obligation de garantie d’emploi pour trois ans, les instances ont mis en place le PDV, rappelle Me Romain Geoffroy. SFR fait payer aux salariés ses mauvais choix stratégiques sur la 3G par rapport à d’autres opérateurs. Plutôt que d’opérer une politique de réduction des coûts pour retrouver une capacité d’investissement, l’entreprise a opté pour la solution de décrutement, un plan social déguisé pour des raisons purement économiques comme le prouvent leurs notes de synthèse et leurs chiffres excellents. Il est tout de même dur d’imaginer que 5.000 salariés sur 15.000 aient en même temps des vélléités de reconversion… Il y a eu un certain nombre de manœuvres déloyales et on a fait comprendre à ceux qui ne voulaient pas partir qu’ils n’auraient plus d’avenir dans l’entreprise.”
Du côté de SFR, on défend la légitimité du PDV, il est vrai signé par deux syndicats de salariés (la CFDT et l’UNSA), préalable indispensable à sa mise en œuvre. Un porte-parole de l’entreprise indiquait en juin 2018 à nos confrères de 20 Minutes, que «l’accord conclu en août 2016 a offert aux collaborateurs qui le souhaitaient la possibilité de quitter l’entreprise dans des conditions favorables et uniquement sur la base du volontariat (…) Il était devenu indispensable pour SFR de se doter d’une organisation plus simple, plus agile, et d’une structure de coûts plus adaptée». Michel Combes, le patron d’Altice à l’époque, écrivait alors dans une lettre aux salariés et détaillée par Nextinpact : “Avec cette structure modernisée, nous poursuivrons ardemment notre politique d’investissements dans les réseaux, la recherche et le développement. Cela nous permettra de retrouver notre rang en termes de qualité de service, d’expérience client et d’innovation et ainsi de renouer avec la croissance.»
Déjà 26 M€ versés en 2007
Les ex-SFR, sacrifiés sur l’autel de la rentabilité ? C’est que ce que va tenter de démontrer Romain Geoffroy, juriste spécialisé dans le droit du travail et les recours collectifs. Nice constitue la première étape d’un marathon judiciaire planifié jusqu’à fin avril, avec une vingtaine de Conseils de Prud’hommes saisis et 400 dossiers à représenter. “Les décisions seront rendues dans quelques mois, et nous avons bon espoir d’obtenir gain de cause et de faire reconnaître cette fraude, il faut bien l’avouer, remarquablement orchestrée» livre l’avocat montpelliérain. Les ex-salariés de SFR peuvent nourrir quelques espoirs : l’opérateur français avait déjà été condamné en 2007 à verser 26,25 M€ de dédommagement à d’anciens salariés issus d’un autre plan de départs volontaires. A l’époque, Me Romain Geoffroy était déjà à la manœuvre pour défendre les quelque 1.400 salariés ayant rejoint le recours.